Demander l’impossible ?
C’est en cherchant l’impossible
que l’homme a toujours réalisé et reconnu le possible,
et ceux qui se sont sagement limités à ce qui leur paraissait le possible
n’ont jamais avancé d’un seul pas.
(Bakounine, « L’empire knouto-germanique »)
Enquête sur les conceptions
de la nature humaine chez les anarchistes
Combien de fois n’avons-nous pas entendu ce discours ? : Les anarchistes, ont une vision beaucoup trop optimiste de la nature humaine. Croire qu’il est possible de créer une société où la violence et l’autorité auraient complètement disparus est une douce utopie complètement absurde. La nature humaine est telle que seule l’existence d’une autorité jouant le rôle d’arbitre peut permettre de gérer les conflits, qui ne manqueront jamais d’apparaître dans quelque société que ce soit, et donc elle seule peut limiter l’apparition illégitime de la domination et de la violence.
Que ce type de discours sorte de la bouche de politiciens bien-pensants, rien de plus normal, il faut bien qu’ils justifient la domination qu’ils exercent sur le reste de la société. Hélas, ce discours est tout aussi bien tenu par ceux qui ont de l’anarchiste une vision un tout petit peu plus élaborée que la caricature classique de l’enragé - casseur de vitrines - lanceur de bombes - intégriste d'un chaos social appelé « anarchie ». Seulement trop souvent cette vision est remplacée chez bon nombre de sympathisants par une autre caricature de l’anarchiste, celle d’un éternel rêveur incapables d’affronter les « dures réalités de la nature humaine ». Il est donc toujours intéressant de rechercher et de clarifier quelles pourraient être réellement les opinions des anarchistes sur la nature humaine. C'est une telle tentative de clarification qui est proposée ici.
La nature humaine, contextuelle ou universelle ?
Avant de commencer à regarder ce que les anarchistes ont à nous dire sur la nature humaine, il est bon de réfléchir brièvement sur ce concept. On pourrait être tenté de rejeter ce concept en affirmant qu’il n’y a pas de « nature humaine », mais seulement une « condition humaine », c’est-à-dire que c’est le milieu dans lequel il est placé qui forme l’être humain. Seulement, ceci n’est rien d’autre qu’une vision contextuelle de la nature humaine car nier l’existence d’une « nature humaine » revient à en adopter une (de la même manière, celui qui, confronté à un dilemme, décide de ne pas choisir entre les deux alternatives auxquelles il est confronté, fait malgré tout un choix). Une autre vision possible de la nature humaine est universelle et considère que certaines caractéristiques sont propres à tous les êtres humains (Le rationalisme par exemple considère que tous les hommes sont doués de raison, et que c’est là ce qui nous distingue des autres êtres vivants).
Qu’on le veuille ou non, le concept de nature humaine occupe une place fondamentale dans toute discussion sur les sociétés humaines, que ce soit sur leur histoire passée, sur la valeur actuelle de leur organisation, ou encore sur leurs développements futurs, possibles et/ou souhaitables. Particulièrement pour les idéologies, leur conception de la nature humaine joue un rôle déterminant lorsqu’on examine leurs valeurs respectives. La pertinence respective de leur modèle explicatif de l’histoire, de leur projet social futur, ainsi que des moyens proposés pour le réaliser, est directement jugée à partir de leur vision de la nature humaine. Ce jugement se base d’une part sur leur « réalisme », et d’autre part sur la cohérence de cette conception avec son propre projet social ; le concept de nature humaine prédéfini effectivement ce qu’il est possible d’atteindre par l’action sociale. Il est évident que quelle que soit sa conception de la nature humaine et son degré de pertinence, tout discours sur la société (et, en particulier, toute idéologie) se doit de posséder au moins une cohérence interne avec sa propre vision de la nature humaine, ce qui sera discuté plus précisément dans la suite.
Machiavel et le pouvoir d’État
Par exemple, un des « mérites » de l’idéologie Machiavélienne à la base du pouvoir d’État, serait, selon certains, sa cohérence et son réalisme concernant la nature humaine. Elle offre en effet une vision assez pessimiste de cette dernière. On peut l’énoncer comme suit : L’instinct mauvais chez l’homme est plus puissant que le bon. L’homme a plus d’entraînement vers le mal que vers le bien ; la crainte et la force ont sur lui plus d’empire que la raison. (…) Les hommes aspirent tous à la domination, et il n’en est point qui ne fût oppresseur, s’il le pouvait ; tous ou presque tous sont prêts à sacrifier les droits d’autrui à leurs intérêts. Les Machiavéliens adoptent donc une conception universelle pessimiste de la nature humaine, sur laquelle ils bâtissent la légitimité du pouvoir d’État. Ce dernier accapare le monopole de la violence physique afin de maintenir l’ordre social qui est l’intérêt commun. Dans les Discours sur la première décade du Tite-Live, Machiavel tente de démontrer comment l’État n’a d’autre fonction que de retourner la méchanceté des hommes contre elle-même pour engendrer l’ordre politique et les valeurs de la vie en commun, il fonde donc le pouvoir politique sur la violence. Ce pessimisme à l’égard d’une nature humaine considérée comme permanente et universelle est essentiel à tous ceux qui veulent justifier le pouvoir d’État, Machiavel lui-même le reconnaît : Tous les écrivains qui se sont occupés de politique (…) s’accordent à dire que quiconque veut fonder un État et lui donner des lois, doit supposer d’avance les hommes méchants, et toujours prêts à montrer leur méchanceté toutes les fois qu’ils en trouveront l’occasion.
On peut noter que, concernant le droit, Machiavel lui-même a une position distincte de ses successeurs plus « libéraux » qui voudront fonder l’État sur le principe du droit uniquement. Néanmoins, chacun sait que tous les pouvoirs souverains ont eu la force pour origine, ou, ce qui est la même chose, la négation du droit. Et pour leur quotidien, il est semblable à leur origine : à chaque fois que le besoin s’en fait sentir pour les dominants, la « raison d’État » vient à la rescousse et légitime tous les abus. Machiavel a eu au moins le mérite de revendiquer bien haut la légitimité de ces incartades aux principes du droit, alors que nombre de ses successeurs se sont réfugiés dans l’hypocrisie la plus totale en condamnant les principes de ce qu’ils ont appelé le Machiavélisme, et ce pendant qu’ils appliquent ces mêmes principes en sachant très bien qu’il sont indispensables à l’exercice du pouvoir.
Pour les anarchistes, la nature humaine est …
Examinons maintenant ce que les anarchistes ont pu adopter comme conception de la nature humaine, cela nous mènera par la même occasion aux objections que les anarchistes opposent généralement à l’analyse Machiavélienne.
… optimiste ?
Malgré la grande variété de courants de pensée anarchistes, il semble possible de dégager quelques caractéristiques communes à l’ensemble des penseurs anarchistes quant à leur conception de la nature humaine (C’est du moins possible pour les représentants de l’anarchisme social, dont il sera uniquement question ici).
Tout d’abord, pour revenir à l’introduction, les anarchistes sont souvent traités d’optimistes irréductibles. On les accuse de prétendre, comme Rousseau, que l’humanité est essentiellement bonne et que c’est la société ou le pouvoir qui la corrompt. Il n’y aurait qu’à éliminer le pouvoir pour que tout rentre dans l’ordre. L’anarchie ne serait donc rien d’autre que l’état de nature, et l’anarchisme serait « primitif », « utopique » et « incompatible avec la complexité des réalités sociales ». Cette accusation d’optimisme immodéré n’est pas sans fondement mais est grossièrement exagérée.
Kropotkine (1842-1921) est souvent considéré comme le plus optimiste des fondateurs de l’anarchisme. C’est de sa conviction en la nature sociable de l’homme qu’il tirait la possibilité et la nécessité d’une société libertaire :
Eh bien, nous ne craignons pas de renoncer au juge et à la condamnation. Nous renonçons même (…) à toute espèce de sanction, à toute espèce d’obligation de la morale. Nous ne craignons pas de dire « Fais ce que tu veux, fais comme tu veux » - parce que nous sommes persuadés que l’immense masse des hommes, à mesure qu’ils seront de plus en plus éclairés et se débarrasseront des entraves actuelles, fera et agira toujours dans une direction utile à la société, tout comme nous sommes persuadés d’avance que l’enfant marchera un jour sur deux pieds et non sur quatre pattes, simplement parce qu’il est né de parents appartenant à l’espèce Homme.
Sa vision de la nature humaine semble donc à la fois contextuelle (ce sont les contraintes matérielles, socio-culturelles, et idéologiques, auxquelles l’homme est soumis dans la société actuelle qui l’amènent à développer les aspects les plus sombres de sa personnalité) et universelle (si l’homme est libéré des entraves dans lesquelles il est placé sa nature fondamentalement sociable se révélera inévitablement). Il est bien évident que cet optimisme inébranlable doit être remis dans le contexte qui est le sien : la fin du dix-neuvième siècle avec l’essor du socialisme sur lesquels se fondaient les espoirs révolutionnaires les plus absolus.
Kropotkine n’est pas le seul anarchiste a avoir exprimé son optimisme concernant une nature humaine qui serait à la fois contextuelle et universelle. Par exemple, l’anarchiste italien Errico Malatesta (1853-1932) était aussi convaincu qu’il y a heureusement, chez les hommes, un (…) sentiment qui les rapproche de leur prochain : le sentiment de sympathie, de tolérance, d’amour ; et c’est grâce à ce sentiment qui existe à des degrés divers chez tous les êtres humains (…) qu’est née notre idée : faire que la société soit véritablement un ensemble de frères et d’amis qui, tous, travaillent pour le bien de tous.
Mais ces convictions optimistes n’étaient pas une simple espoir idéaliste « métaphysique ». Pour l’affirmer, Malatesta se basait sur la constatation concrète que s’il n'y avait eu en l'homme que (…) la volonté de dominer les autres et de profiter des autres, l'humanité en serait restée au stade de l'animalité et n'aurait pas pu connaître le développement des différents systèmes historiques et contemporains qui, même dans les pires cas, représentent toujours un compromis entre l’esprit de tyrannie et ce minimum de solidarité sociale sans lequel il n'y aurait pas de vie quelque peu civilisée et évolutive. Le scientifique Kropotkine remarquait également le fait établi que même sous le pire despotisme, la plupart des rapports personnels de l’homme avec ses semblables sont réglés par des habitudes sociales, de libres accords et une coopération mutuelle sans lesquels il n’y aurait pas de vie sociale du tout. Si ce n’était pas le cas, même le mécanisme d’État le plus violemment coercitif ne serait pas capable de maintenir l’ordre social un seul instant.
… ou pessimiste ?
Néanmoins, il est extrêmement facile de trouver des contre-exemples à la thèse selon laquelle les anarchistes ont une confiance absolue en la « bonté » de la nature humaine. Commençons avec Malatesta lui-même, qui écrivait : Nous ne croyons pas à l’infaillibilité des masses, et encore moins à leur bonté constante : bien au contraire. Mais nous croyons encore moins à l’infaillibilité et à la bonté de ceux qui s’emparent du pouvoir, légifèrent, consolident et perpétuent les idées et les intérêts qui prévalent à un moment donné. L’américain Paul Goodman (1911-1972), ce poète homosexuel contestataire qui fut l’un des penseurs anarchistes les plus originaux de sa génération, a fort bien résumé la conception pessimiste de la nature humaine des anarchistes : À en croire une idée fausse mais répandue, les anarchistes estiment que « la nature humaine est bonne », et qu’en conséquence on peut faire confiance aux hommes pour se gouverner eux-même. En réalité, nous inclinons à une vision pessimiste, en vertu de laquelle on ne peut faire confiance aux hommes ; et c’est bien pour cela qu’il faut éviter toute concentration de pouvoir. Le socialiste libertaire belge Ernestan (1898-1954) confirme, à sa manière, ce point de vue : C’est parce que l’homme est si dangereux pour l’homme que le socialisme libertaire ne base pas les rapports humains sur l’autorité des uns et l’obéissance des autres, mais sur l’association d’individus égaux en dignité et en droits.
On peut donc exposer maintenant l’objection majeure que les anarchistes ont de tous temps adressée à tous ceux qui ont suivi Machiavel pour justifier la domination des sociétés humaines par l’État et le principe d’autorité. Elle est expliquée avec clarté par Malatesta : L'homme n'est pas parfait. Mais alors où trouver des hommes non seulement assez bons pour vivre en paix avec les autres, mais encore capables de régenter autoritairement la vie des autres ? L’anarchiste pacifiste Léon Tolstoï (1828-1910) lorsqu’il critique l’appropriation par l’État du monopole de la violence physique légitime est aussi très clair : De deux choses l’une, ou bien les hommes sont des êtres raisonnables ou ils ne le sont pas. S’ils sont des êtres non raisonnables, alors ils sont tous tels, et tout parmi eux doit se résoudre par la violence, et il n’y a pas de motif que les uns aient le droit de violence et que les autres en soient privés, et ainsi la violence du gouvernement est injuste. Si les hommes sont des êtres raisonnables, alors leurs relations doivent être basées sur la raison, sur l’esprit, et non sur la violence des hommes qui par hasard ont accaparé le pouvoir. Et c’est pourquoi la violence du gouvernement ne peut se justifier en aucun cas. Pour justifier la domination exercée par l’État et ses représentants sur le restant de la société, tous les successeurs de Machiavel sont en effet obligés de postuler qu’une certaine classe de personnes aurait une nature différente des autres, capable de dominer et de diriger avec sagesse la société humaine pour son propre bien. Seulement, ceci est en contradiction flagrante avec le caractère universel de leur conception pessimiste de la nature humaine. Autrement dit, le mythe du « dictateur éclairé » était explicite chez Machiavel mais on peut constater aisément aujourd’hui sa présence (cachée cette fois) dans le discours de ses successeurs, les idéologues autoritaires.
Quoiqu’il en soit, on peut conclure en disant que l’idéologie Machiavélienne, du moins sous sa forme classique, peut être qualifiée d’incohérente, ce qui nous permet de revenir à l’anarchisme.
… sociable et égoïste ?
On doit à l’américain Dave Morland d’avoir étudié et précisé quelle pouvait être réellement la vision anarchiste de la nature humaine, qui se révèle être une vision assez réaliste et nuancée, contrairement à tout ce qui a pu être affirmé. Comme il l’explique, cette conception est redevable à une lecture contextualiste et universaliste. De façon plus importante, elle comprend à la fois l’égoïsme et la sociabilité. Une thèse suffisamment simple pour être admise, mais elle a été largement ignorée (…) Le caractère double de la conception anarchiste de la nature humaine peut sembler confus et d’une certaine manière paradoxal. Le paradoxe est surmonté en acceptant simplement que l’anarchisme est ambivalent ou en fait inconsistant concernant la question de la nature humaine. Les anarchistes concèdent que la nature humaine a des propriétés intrinsèques, elles incluent à la fois la sociabilité et l’égoïsme (…) La première lecture (contextualiste et sociable) reflète leur héritage partagé avec le socialisme et explique leur croyance en l’accessibilité ultime d’une société pacifique, harmonieuse qui est débarrassée des structures oppressives qui démarquent la société capitaliste. La deuxième lecture (universaliste et égoïste) est révélatrice de ce qu’ils ont en commun avec le libéralisme. Elle explique pourquoi les anarchistes observent avec précision les effets corrupteurs du pouvoir et pourquoi ils déconseillent le concept Marxiste de dictature du prolétariat ou un État des travailleurs. C’est cette compréhension plus large de la nature humaine qui révèle une des plus grandes forces de l’anarchisme.
Comme on a pu le constater, lorsqu’ils s’agit de décrire les aspects les plus sombres de la nature humaine, les anarchistes n’ont rien à envier aux Machiavéliens eux-même, et c’est précisément sur cette vision universellement pessimiste qu’il se basent pour préférer un système où il n’y a pas de gouvernement centralisé et autoritaire, où il n’y a pas de monopole de la force, où aucun groupe n’exerce de pouvoir sur un autre, et où les processus de décision sont aussi dispersés que possibles. Néanmoins, apparaît chez eux la nécessité d’évoquer également les aspects foncièrement sociables et positifs de la nature humaine, afin de justifier leurs espoirs sur la possibilité d’un autre futur. Il doit exister un besoin de fraternité et d'amour qui fleurit toujours chez les hommes dès qu’ils sont libérés de la peur d'être écrasés et de manquer du nécessaire, pour eux et leur famille. Peu importe d’où provient ce sentiment de fraternité pour Malatesta, il existe, et c’est sur son développement et sa généralisation que nous fondons tous nos espoirs pour l’avenir de l’humanité.
Remarquons que lorsqu’il s’agit de choisir les moyens adéquats pour « parfaire » cette société, l’anarchisme se base au contraire sur le côté pessimiste de sa conception universaliste de la nature humaine pour rejeter tout moyen qui ne serait pas en adéquation avec les principes décentralistes et antiautoritaires. C’est là que trouve son origine l’antagonisme irréductible existant entre socialisme autoritaire et socialisme libertaire. avec la célèbre querelle entre Marx et Bakounine au sein de la Ière Internationale. Selon ce dernier, toute autorité politique doit être rejetée, l’action directe populaire organisée sans hiérarchie étant le moyen de réaliser le socialisme ici et maintenant. Car toute « avant-garde éclairée » centralisatrice, même bien intentionnée, sera fatalement victime des effets corrupteurs du pouvoir et ne serait jamais prête à lâcher ses privilèges. C'est pourquoi pour les anarchistes toute « dictature du Prolétariat » est irrémédiablement destiné à se transformer en simple changement de maîtres alors qu’il s’agissait de créer une société socialiste sans classes.
L’incompréhension de Marx de la nature humaine apparaît de manière flagrante dans des annotations qu’il fit d’un ouvrage de Bakounine. Ce dernier critiquait le suffrage universel comme étant un mensonge au service d’une minorité de privilégié gouvernant réellement la grande majorité du peuple en se proclamant simples représentants de la « volonté populaire ». Marxistes réformistes ou révolutionnaires se revendiquent tous deux de ce système, ne serait-ce que pour la période de transition vers le socialisme. Les Marxistes répondent aux objections de Bakounine que la minorité dirigeante sera constituée de prolétaires, et non plus de capitalistes. Bakounine fait alors remarquer qu’un prolétaire devenant un dirigeant cesse par là même d’être un prolétaire, et que celui qui doute de cela ne comprendra jamais rien à la nature humaine. À quoi Marx rétorque dans ses notes, que l’ouvrier devenu dirigeant ne cessera pas d’être prolétaire, pas plus qu’un industriel ne cesse d’être capitaliste quand il devient un membre du conseil municipal. Seulement, ce que Marx ne voit pas c’est qu’il y a une assymétrie : le capitaliste reste dans une position de pouvoir, tandis que l’ouvrier en acquiert une. Savoir dans quelle mesure cette différence est un facteur pertinent pour expliquer le comportement revient exactement à se demander comment fonctionne la nature humaine. Le problème est que le Marxisme tend à empêcher de penser en ces termes.
L’analyse marxiste classique méconnaît foncièrement la nature humaine en se concentrant uniquement sur les facteurs socio-économiques et en adoptant une vision déterminisme de l’Histoire. Les comportements ne sont pas uniquement déterminés par l’appartenance de classe ou le mode de gestion économique de la société. Alors que les anarchistes n’ont jamais nié l’importance des facteurs socio-économiques (le socialisme libertaire partage une grande partie de l’analyse socio-économique du capitalisme de Marx), ils ont cependant toujours insisté sur l’importance des facteurs psychologiques, ce qui fut souvent raillé et présenté comme la preuve de l’« idéalisme utopique » de l’anarchisme, dont la pensée serait « métaphysique ».
Après cette digression sur le Marxisme, venons au bilan que l’on peut dresser sur les conceptions anarchistes de la nature humaine que l’on a rencontré.
… incohérente ?
Malgré ses remarques positives sur l’anarchisme, la conclusion finale de Dave Morland est que l’anarchisme doit être considéré comme utopique et incohérent car sa vision de la société future excéderait les capacités de sa propre conception de la nature humaine. En d’autres termes, à cause de son versant profondément pessimiste universaliste, la vision de la nature humaine proposée par les théories sociales anarchistes serait en contradiction avec la société sans État qu’elles défendent. Selon Morland (c’est important), en conséquence, la demande anarchiste pour un société sans État excède ce que sa conception de la nature humaine permettra, mettant par là en péril la validité de (…) son statut d’idéologie lui-même. Voilà qui est fort bien, car, précisément (ce que Morland semble ne pas voir) l’anarchisme n’est pas une idéologie. On peut même dire plus, ses fondements théoriques s’opposent essentiellement à toute forme d’idéologie. En effet, il n’y a pas de pouvoir sans nécessité de justification et, donc, (…) d’idéologie, comme le souligne A. G. Calvo pour qui l’idéologie est la forme froide et détachée de la justification. L’idéologie semble devoir être un discours au service du pouvoir (du pouvoir en place ou de ceux qui ambitionnent d’y accéder). On pourrait donc remercier Morland de fournir un indice supplémentaire de la nature non idéologique de l’anarchisme.
L’incohérence qu’il désigne est éliminée une fois que l’on réalise que l’anarchisme n’envisage pas l’anarchie comme un ordre social parfait indépassable. Cette dernière idée est en fait directement opposée aux idées fondatrices de l’anarchisme. Pour preuve, ce commentaire de l’anarcho-syndicaliste allemand Rudolf Rocker (1873-1958) : L’anarchisme n’est pas la solution brevetée de tous les problèmes humains, ce n’est pas le pays d’Utopie d’un ordre social parfait (comme on l’a si souvent appelé), puisque, par principe, il rejette tout schéma et tout concept absolus. Il ne croit pas à une vérité absolue ou à des buts finaux précis du développement humain, mais à une perfectibilité illimitée des formes sociales et des conditions de vie de l’homme, qui s’efforcent toujours à de plus hautes formes d’expression. On ne peut pour cette raison leur assigner de termes précis ni leur fixer de but arrêté. Le plus grand mal de toute forme de pouvoir est (…) de toujours essayer d’imposer à la riche diversité de la vie sociale des formes précises et de l’ajuster à des règles particulières.
Pour les anarchistes, l’utopie n’est pas un projet social immuable et indépassable, un contrat déterminé avec l’avenir, c’est pour eux le rappel constant du caractère inacceptable de toutes les oppressions présentes alors qu’un autre futur (et donc aussi un autre présent) est possible. Les utopies habitant leur imaginaire constituent les repères indispensables à la construction des alternatives qu’ils tentent de bâtir ici et maintenant.
… ou indéterminée ?
Que ce soit encore Paul Goodman [La nature humaine existe et l’une de ses caractéristiques est de sans cesse se faire et se refaire différemment] ou Oscar Wilde (1854-1900) [Il n’existe qu’une certitude définitive sur la nature humaine, elle est changeante], pour ne citer qu’eux, on peut affirmer que les penseurs anarchistes s’accordent unanimement à dire que la nature humaine évolue au cours du temps (du fait de sa contextualité) et il doit donc en être de même pour les principes qui organisent la société. La remarque de Morland sur le fait que l’anarchisme n’apporte pas de réponse définitive sur la nature humaine est justifiée mais elle manque sa cible car l’anarchisme n’a pas pour but de se baser sur une telle réponse pour élaborer ce qui serait une ordre social optimal immuable. Au contraire, pour l’anarchisme, les systèmes qui échouent sont ceux qui misent sur la permanence de la nature humaine plutôt que sur son évolution et son développement. Dès lors, il ne peut y avoir de principe social indépassable pour les anarchistes, la nature humaine et l’organisation sociale sont indissociablement liées et, toutes deux, perfectibles. Le plus grand crime de l’État est, précisément, d’instituer l’autorité et la violence comme fondements de l’organisation sociale, et de priver, par là même, la société de la possibilité de construire un monde meilleur. L’État fige l’imperfection sociale en l’élevant au rang de principe indépassable. La responsabilité dont William Godwin (1756-1836), par exemple, chargeait les gouvernants n’est pas d’avoir introduit le mal où il n’existait point, mais de l’entretenir et de le renforcer en lui donnant une substance et une permanence politique.
Dave Morland a donc bien raison d’affirmer que la conception pessimiste de la nature humaine des anarchistes proscrit la possibilité d’une société harmonieuse, parfaite, sans aucun conflit, seulement là n’est pas le problème. Il ne s’agit pas de prétendre éliminer toute forme de conflit au sein de la société (utopie totalitaire s’il en est) mais bien de savoir comment la société compte assumer et gérer les conflits qui surgiront immanquablement. Répétons encore une fois que l’anarchisme ne prétend en effet pas qu’une société parfaite soit possible, il considére plutôt que toute société humaine est perfectible, en se basant sur sa vision contextualiste de la nature humaine (si on change les structures sociales, l’homme et la société peuvent aussi changer) ainsi que sur le versant optimiste et sociable de sa conception universaliste de la nature humaine (comme chez Kropotkine et Malatesta).
La conception anarchiste de la nature humaine est bien duale, multiple, indéterminée (comme le souligne avec justesse Morland), c’est-à-dire, en quelque sorte, ouverte, libre. Quoi de plus naturel puisque l’anarchisme n’est pas une idéologie figée à vocation totalisante. Il est peut-être plus approprié de le voir comme une méthode, une recherche éthique sur les moyens et la fin, visant à améliorer la société actuelle, quelle qu’elle soit, pour qu’elle permette un développement toujours plus libre des individus qui la composent.
Cette indétermination fondamentale de la conception fondamentale de la nature humaine peut être interprétée comme une forme de prudence et de scepticisme méthodologique, plus proches de la démarche scientifique que certaines théories sociales révolutionnaires concurrentes se proclamant elle-même « scientifiques ». Plus précisément, de nombreux scientifiques anarchistes, comme le linguiste Noam Chomsky, considèrent que la nature humaine existe réellement, et qu’il est dès lors possible de l’analyser par l’expérience et l’usage de la raison, seulement notre connaissance actuelle en est extrêmement restreinte, ce qui doit justement nous conduire à la plus extrême prudence vis-à-vis de toute utopie totalisante se basant sur une prétendue connaissance bien déterminée de celle-ci.
L’Anarchie, une utopie ambigüe ?
L’idée que la conception anarchiste de la nature humaine est incompatible avec l’idée d’une société harmonieuse parfaite et ultime est très importante et n’est pas toujours soulignée avec assez d’insistance, ce qui fut parfois source de confusion dans le mouvement libertaire lui-même, au point que l’Anarchie court toujours le risque éventuel de remplacer l’État dans son rôle de principe indépassable. Pour illustrer cette idée, le roman de science-fiction Les dépossédés de la féministe américaine Ursula Le Guin est tout à fait admirable.
Ce roman met en scène deux sociétés vivant sur des planètes séparées, Urras et Anarres, dans un lointain système solaire. La société sur Urras possède un système capitaliste patriarcal très prospère économiquement (comparable aux USA actuels, avec le racisme en moins). Celle résidant sur la lune Anarres c’est une société anarcho-communiste (grandement inspirée des idées de Kropotkine et de Goodman) issue de l’exode du mouvement anarcho-syndicaliste de l’autre planète Urras. Ces 2 sociétés ont rompu tout contact sauf pour un convoi de marchandise de temps en temps.
Le fonctionnement de la société communiste libertaire est décrit de manière élaborée et crédible car imparfait. Ce n’est pas le lieu pour en faire une description détaillée, disons seulement qu’un des points examinés par Ursula Le Guin est que malgré l’absence formelle de coercition ou d’autorité, des formes de pouvoir et d’autorité sont réapparues sur Anarres, contre toute volonté délibérée des habitants, sans même que la majorité d’entre eux ne s’en rendent compte ou ne veuillent l’admettre. Leur société repose sur le postulat, qu’on trouve dans les utopies anarchistes, que la contrainte pourra être remplacée par la pression intériorisée de la conscience sociale. Son inflation, avec les effets de paralysie et de pouvoir qu’elle entraîne est une des lignes de force du roman. L’obéissance aux lois sous la contrainte d’un système répressif étatique, a été remplacée sur Anarres par la peur d’être non-conforme, d’« égotiser » comme disent les Odoniens, les habitants d’Anarres. Leur isolement volontaire est également responsable de sa sclérose ; en se fermant au Vieux Monde, en se repliant sur ses propres principes sans les remettre jamais plus en question, elle s’est interdit la possibilité d’évoluer. Mais plutôt qu’une longue dissertation, voilà deux extraits qui parlent d’eux-mêmes (c’est un « contestataire » qui a la parole) :
Nous n’avons pas de gouvernement, pas de lois, d’accord. Mais il me semble que les idées n’ont jamais été contrôlées par les lois ou les gouvernements, même sur Urras. Si elles l’avaient été, comment Odo aurait-elle développé les siennes ? Comment l’Odonisme serait-il devenu un mouvement mondial ? Les hiérarchistes ont essayé de l’écraser par la force, et ont échoué. On ne peut pas briser les idées en les réprimant. On ne peut les briser qu’en les ignorant. En refusant de penser, refusant de changer. Et c’est précisément ce que fait notre société ! (…)
C’est partout sur Anarres (…) partout où une fonction une fonction demande des connaissances techniques et une institution stable. Mais cette stabilité stable ouvre la porte au désir d’autoritarisme. Durant les premières années du Peuplement, nous étions conscients de cela, nous y faisions attention. À cette époque, on faisait une distinction très nette entre administrer les choses et gouverner les gens. Et ils l’ont si bien faite que nous avons oublié que l’envie de dominer est aussi centrale dans les êtres humains que le désir de l’aide mutuelle, qu’il faut l’entretenir dans chaque individu, dans chaque nouvelle génération.
Le roman Les dépossédés dans lequel certains pourraient voir une critique du communisme libertaire en particulier ou de l’«idéologie anarchiste » en général, semble plutôt devoir être interprété comme un plaidoyer pour la révolution permanente. Même dans une société sans État ni propriété, sans casernes ni prisons, sans patrons ni salariat, certaines formes d’Autorité risquent évidemment de (ré)apparaître, de resurgir insidueusement de notre propre nature humaine. Dès lors, on peut affirmer que même une société « libertaire » aura toujours besoin de ses « anarchistes » pour remettre en cause et secouer l’ordre établi.
Le principe d’autorité : facteur interne de la servitude volontaire
Du fait de l’intériorisation sociale millénaire du principe d’Autorité, le danger existe qu’il renaisse de ses cendres, c’est pourquoi le principe d’Autorité s’agitant au sein de notre propre nature humaine constitue peut-être l’ennemi principal de l’anarchisme. L’exemple le plus tragique de cette intériorisation est certainement constitué des dérives totalitaires de type fasciste qu’ont connu vers la même époque divers pays d’Europe occidentale, ainsi que la Russie. Elles trouvent leur source dans la psychologie des masses humaines subissant depuis de millénaires l’oppression du système autoritaire patriarcal, qui poussent les hommes dans certaines périodes de crise à préférer l’oppression et l’esclavage à un climat (même chimérique) de désordre et d’insécurité. Une pure analyse socio-économique, telle l’analyse Marxiste conventionnelle, ne suffit pas examiner en profondeur l’horreur fasciste car elle élimine arbitrairement toute la dimension fondamentalement irrationnelle de la nature humaine. Affirmer cela ne revient pas à nier que les régimes fascistes d’extrême-droite européens ont été la réaction préventive extrêmement violente du système capitaliste contre le danger que constituaient les aspirations sociales du puissant mouvement ouvrier. L’émergence du fascisme s’explique en effet notamment par divers facteurs socio-économiques (le spectre de la révolution russe de 1917 dans le cas de Mussolini, la crise mondiale du capitalisme de 1929 pour Hitler, etc) mais tout ceci n’explique pas l’apparition du fascisme et encore moins sa possibilité même.
Par contre, on peut affirmer que si le fascisme a pu naître, croître, et vaincre (et simplement exister), c’est parce qu’il exprime la structure autoritaire irrationnelle de l’homme nivelé dans la foule. Un fait psychologique remarquable est que le fascisme n’est pas, comme on a tendance à le croire, un mouvement purement réactionnaire, mais il se présente comme un amalgame d’émotions révolutionnaires et de concepts sociaux réactionnaires, ce qui explique son succès au sein des masses, y compris la classe ouvrière. Définir le fascisme comme le « bras armé du Grand Capital » ne recouvre que la partie visible du fascisme, extérieure à la nature humaine, elle n’explique pas le succès de sa propagande. L’efficacité de la propagande politique ne se rattache en effet pas directement à des processus économiques mais à des structures psychologiques humaines.
Les idéologies socialistes sont nées et se sont structurée autour d’un espace historique de deux siècles, correspondant à l’épanouissement du machinisme, de la société industrielle et du système capitaliste. Le fascisme a trouvé sa force dans la structure psychologique irrationnelle de l’homme, dans ses pulsions mystiques et sa soif d’autorité, dans la nature humaine contemporaine, fruit de 4000 à 6000 ans (selon le psychologue Wilheim Reich) de société patriarcale autoritaire. N’oublions pas que tout ordre social produit dans la masse de ses membres les structures dont il a besoin pour parvenir à ses fins. Sans ces structures psychologiques la guerre ou le fascisme seraient impossibles.
Tout pouvoir, même installé par la force et maintenu par la contrainte, ne peut dominer une société durablement sans la collaboration, active ou résignée, d’une partie notable de la population. C’est dans l’esprit de l’opprimé que tout pouvoir trouve d’abord sa force, plus que dans celle des armes. Rien ne paraît plus surprenant (…) que de voir la facilité avec laquelle le grand nombre est gouverné par le petit, et l’humble soumission avec laquelle les hommes sacrifient leurs sentiments et leurs penchants à ceux de leurs chefs. Au dix-huitième siècle, David Hume nous posait déjà la question de savoir quelle était la cause de cette situation paradoxale, et répondait : Ce n’est pas la force ; les sujets sont toujours les plus forts. Ce ne peut donc être que l’opinion. C’est sur l’opinion que tout gouvernement est fondé, le plus despotique et le plus militaire aussi bien que le plus populaire et le plus libre.
L’intériorisation sociale du principe d’Autorité depuis des millénaires est donc peut-être l’ennemi premier de l’anarchisme, car de cette intériorisation découlent l’inertie sociale et la servitude volontaire sur lesquels reposent tout pouvoir et toute oppression. Jusqu’à présent, comme l’a fait remarquer un compagnon surréaliste, les anarchistes n’ont pas toujours cerné la puissance purement vitale, fondamentale, à laquelle ils s’attaquaient. Dans leur pureté, ils se sont voilés la face devant cette réalité et ils se sont rassurés en désignant l’ennemi sous une forme plus humaine, plus vulnérable et plus facile à montrer du doigt : la Bourgeoisie, l’Église, le Capital. Mais en réalité, le bourgeois, le curé, le financier, le milicien, le chef de cellule, le général, le policier ne possèdent pas la puissance. Ils en sont les pantins. Et la puissance trouvera toujours ses pantins. Débusquer cette puissance qui est partout, qui est en nous, est le devoir fondamental qui nous incombe.
La face pessimiste de la vision universelle et contextuelle de la nature humaine des anarchistes nous rappelle que le principe d’Autorité, avant toute chose, est en chacun de nous (et dans une certaine mesure, il s’y trouve peut-être à jamais). C’est donc autant contre la domination du monde extérieur sur nous qu’il nous faut lutter que contre ces instincts qui sont en nous et qui nous poussent à succomber aux pulsions de domination ou au confort rassurant de la soumission, à notre désir de pouvoir ou à notre peur de la liberté.
Ceci n’est néanmoins pas une exhortation à un repli sur soi, mais une invitation à un retour sur soi. Pourquoi rendre la quête libertaire individuelle exclusive, alors qu’elle est complémentaire. Il ne faut surtout pas tomber dans l’opposition combien regrettable entre anarchisme individualiste et anarchisme social. Le versant contextuel de l’anarchisme nous rappelle avec force que libération individuelle et collective sont intrinsèquement liées l’une à l’autre, comme le rappelle avec bon sens ce cher Malatesta : Entre l’homme et le mileu social, il y a une action réciproque. Les hommes font la société telle qu’elle est, et la société fait les hommes tels qu’ils sont, d’où une espèce de cercle vicieux. Pour transformer la société, il faut transformer les hommes ; et pour transformer les hommes, il faut transformer la société.
Fin de l’Histoire et mot de la fin
En guise de conclusion, on peut noter que l’Histoire a justifié l’évaluation anarchiste de la nature humaine en plus d’une occasion. Les anarchistes aiment à penser que l’histoire de l’Union Soviétique a justifié leurs inquiétudes à propos de l’établissement d’une dictature du prolétariat. Placer le pouvoir dans une élite révolutionnaire ou un parti avant-gardiste attesta le principe de commensurabilité entre moyens et fins (autoritaires contre libertaires), mais confirma aussi leurs suspicions que le pouvoir est une drogue à accoutumance qui, si elle n’est pas stoppée, mettra en péril le fonctionnement convenable de n’importe quelle société.
Sans diabolisation ni angélisme, la conception anarchiste de la nature humaine nous offre un futur ouvert à de nombreux possibles ; sans fatalisme, l’homme et son histoire seront ce que nous en ferons.
Pour les anarchistes, il n’y a pas de fin à l’Histoire ou de stade ultime de la société (y compris une hypothétique « Anarchie »). Ils savent que ni « âge d’or du Socialisme », ni « Royaume de Dieu » n’attendent le long du sentier sinueux tracé par l’humanité hésitante.
Néanmoins, l’Utopie, ce flambeau de l’impossible, est leur guide, indispensable à la réalisation d'un autre futur. L’Utopie n’est certainement pas pour eux un achèvement ultime, mais au contraire ce qui leur reste toujours à construire, à vivre et à réinventer…
Le mot de la fin reviendra au poète Oscar Wilde, exilé de l’île d'Utopie :
Une carte du monde qui ne comprendrait pas l’Utopie ne serait même pas digne d’être regardée car elle laisserait de côté le seul pays où l’Humanité vient toujours accoster. Et après y avoir accosté, l’Humanité regarde autour d’elle et, ayant aperçu un pays meilleur, reprend la mer.
Je remercie Cocker ainsi que toute la mafia Nivelloise pour les améliorations apportées à ce texte.